Cette fin d'année 2005 a été marquée par un délire historique. Entre la colonisation, Napoléon et la loi de séparation de l'église et de l'état, c'est encore la foire d'empoigne. Les uns décrètent du positif, les autres les vouent aux gémonies, chacun traquant ses démons ou ses "saints" au plus profond de l'histoire. Cette lecture manichéenne de l'histoire me semble fort dangeureuse. Le débat sur l'histoire est nécessaire et même indispensable, mais il doit l'être dans un cadre posé.
Adolescent, j'ai participé à un programme de "mémoire collective" sur l'occupation, sujet polémique s'il en est. Nous étions chargés d'aller receuillir auprès des "grands" leurs souvenirs de cette époque. Je me souviens plus particulièrement de deux entretiens. Ces deux personnages, bien que sans lien de parenté, avaient le même nom de famille, l'un s'appelait Félix, l'autre s'appelait Roger. Tout les deux avaient eu une conduite exemplaire. Félix avait risqué sa vie pour passer en Espagne et il avait rejoint les Forces Françaises Libres. Roger s'etait engagé dans la Résistance de l'intérieur, il avait terminé le conflit comme responsable local des M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance).
Felix ne fit aucune diffculté pour nous parler. J'ai du relancer trois fois Roger pour qu'il accepte. Felix nous parla de ses combats contre l'occupant au travers de l'Afrique et de l'Europe, exaltant le souvenir de la France Libre, Roger raconta l'angoisse de ses actions clandestines en précisant que bien des choses qu'il avait vues ou faites n'étaient pas bien reluisantes. Leurs témoignages étaient complémentaires.
Toutefois, une chose m'avait fortement choquée. Pour Felix, il n'y avait que des "boches" ou des "frisés", la pendule s'était arrêtée en 1944. Pour Roger, il tenait à nous dire que le passé était le passé, et que, sans l'oublier et sans le cacher, il fallait savoir le dépasser.